Du silence et de la lenteur pour créer de la mémoire du futur

Tour du monde à vélo, Béatrice Maine, formation art et neurosciences

“Du silence naît tout ce qui vit et dure,
car c’est le silence qui nous relie à l’univers, à l’infini,
il est la racine de l’existence et par là l’équilibre de la vie.”

Yehudi Menuhin

Tibet, tour du monde à vélo, Béatrice Maine, formation art et neurosciences
Tibet, route Lhassa-Golmud, février 2008, grand ciel bleu mais -20°C !

 

Je me souviens de mes chevauchées à bicyclette et de ce silence pur et dense des grands espaces inhabités. Désert de Gobi en Mongolie ou hauts plateaux de l’Aksay Chin au Tibet : un silence puissant d’une profondeur insondable.

Un vrai silence sans même le bruit lointain d’un véhicule ou d’un animal. Parfois même, pendant quelques instants ou quelques heures, privé du chant du vent.

C’était alors un silence épais qui inondait mes oreilles. Un silence consistant. Une silence presque “assourdissant”.

“Pas de bruit” ce n’est pas rien, et “pas de bruit” n’est pas non plus “quelque chose”. Quoique…!Je tendais l’oreille et suspendais ma respiration pour mieux entendre le fond de l’univers.

Je percevais dans ce silence une présence invisible, inodore, impalpable mais pourtant tellement là. Tellement Vivante. Un silence soutenant et enveloppant. Dans cette traversée interminable du désert de Gobi – une quinzaine de jours et plusieurs centaines de kilomètres – le sable, la solitude, le silence étaient à perte de vue, à perte d’ouïe. Ils imposaient lenteur et attention. A vélo dans cette immensité une erreur de direction, un défaut de gestion de l’eau et des vivres ou un manque d’attention auraient été fatals. L’existence me semblait être le concentré d’un concentré de Vie. Si fragile et si puissante. Dans le silence de ces immensités il n’y avait rien à entendre, pourtant tout était là.

 

Tibet, tour du monde à vélo, Béatrice Maine, formation art et neurosciences
Plateau de l’Aksay Chin, Tibet de l’Ouest, automne 2007

 

Le silence pour entendre les mots du corps

“Le corps dispose de milliers de mots, et il n’en utilise que quelque uns. De la même façon que vous avez appris les langues étrangères, vous pouvez apprendre à parler le langage du corps, et alors votre corps vous parlera. Il pourra devenir un interlocuteur à part entière.” Danis Bois

Où que nous soyons, écouter le silence est possible. Le silence entre les sons. Après tout les bruits dansent sur un fond de silence. Le silence est là aussitôt que nous l’écoutons. Il vient nous chercher là où nous sommes et nous conduit là où nous sommes déjà, à condition que nous nous donnions la peine de tourner notre attention vers lui. Entrer en relation avec le silence commence par le relâchement du corps et de la pensée mais il ne se limite pas à cela. Il correspond aussi à une façon d’être dans son corps, une manière de l’habiter. Etre en rapport avec le silence suppose une certaine qualité de présence à soi et en soi. Savoir installer le silence à l’intérieur de soi et aller lentement sont des éléments clés pour parvenir à profiter pleinement de l’expérience vécue et pour entendre les mots du corps. Donner de sa présence au silence c’est créer la possibilité et la disponibilité pour qu’un nouvel a-venir vienne à soi.

 

La vie court derrière le corps. Laissons-lui le temps de la rattraper.

 

La vie s’accélère, le temps se resserre, les journées passent toujours trop vite. Combien de déplacements, mouvements ou gestes de notre quotidien faisons-nous vite, trop vite? Pourtant, la lenteur est une caractéristique du mouvement naturel : “Si vous observez la lune à différents moments de la nuit vous constatez qu’elle a changé de position à chaque fois. Mais si vous l’observez toute la nuit sans la lâcher du regard, vous ne parviendrez pas à la surprendre en train de bouger. De la même façon qu’un corps passe de quelques millimètres à un mètre soixante dix il a fallu du mouvement ! Et pourtant, jamais personne n’a réussi à surprendre un corps en flagrant délit de croissance… la lenteur est telle que tout bouge et grandit à l’insu de nos sens.” Danis Bois

Se mouvoir dans la lenteur c’est s’offrir une pause dans une existence au rythme effréné. C’est étirer le temps et l’habiter totalement. La lenteur est comme une fenêtre ouverte sur une autre dimension dans laquelle l’esprit peut pleinement s’enraciner dans la matière. La lenteur permet le repos du corps, donnant aussi la possibilité aux tissus de se régénérer, de se restaurer.Elle favorise l’entrer en pleine conscience avec le mouvement et les sensations qu’il procure. Elle offre le temps de percevoir le mouvement. Il faut du temps pour que le cerveau perçoive finement. La lenteur ouvre un espace d’observation et d’attention dans lequel nous pouvons capter des signaux sensoriels faibles.

 

De lenteur pour créer de la mémoire du futur.

« Lorsqu’on fait ce que l’on a toujours fait on obtient ce que l’on a toujours obtenu » Vaslawick

Les neurosciences nous enseignent que pour créer un futur différent du passé il nous faut “outiller notre mémoire”. Encoder de nouvelles informations sensorielles, intellectuelles ou corporelles c’est créer de la “mémoire du futur”. C’est avec ce que nous avons emmagasiné dans nos mémoires que nous vivons et créons notre réalité d’aujourd’hui et que nous nous projetons dans celle du futur. Pas de nouvelle réalité sans réactualisation de la mémoire.

Bouger dans la lenteur c’est comme un film au ralenti : nous pouvons voir davantage de détails. Il y a plus à percevoir dans un mouvement lent que dans un mouvement à vitesse usuelle. Lentement, notre conscience peut saisir des sensations jusque là imperceptibles ou inconscients. Ces détails viennent se stocker dans la mémoire, élargissant ainsi l’éventail des possibles. Ralentir c’est aussi modifier l’anatomie de son cerveau en créant de nouvelles routes neuronales. Plus vous empruntez les routes neuronales de la lenteur, plus elles seront faciles à réactiver. Expérimenter la lenteur de temps à autre c’est progressivement changer ses habitudes et sa relation à la vie, au temps, au travail, aux “urgences” et aux éternelles listes de choses à faire. C’est aussi “sortir de ses schémas moteurs habituels, créer une intimité avec ce qui nous anime, c’est prendre le temps du mouvement et s’en nourrir”.

 

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