Dimanche matin 19 mars, il est 9h, dix neuf danseurs infatigables de 28 à 60 ans venus de Rhône Alpes, Suisse, Belgique, Tours sont là. Assis près d’une fenêtre ils prennent les 1ers rayons du soleil. Tisane de gingembre citron, café et quelques restes de gâteaux sont au centre du groupe, ça papote doucement. Nous avons dansé toute la nuit depuis la veille 19h. Je me sens à la fois pleine de vitalité et totalement essorée! Ces increvables danseurs ont eu raison de moi !
Ivresse de la danse au delà de la fatigue pour emprunter des chemins sans empreinte
A 4h du matin je vois et je sens toute la puissance de vie qui est là dans les corps, sous les pieds. Le pouls du groupe est épais et vigoureux. Bien que certains à 5h du matin se demandent où ils vont trouver l’énergie pour la suite, je sais déjà que la dernière tranche de danse va être intense. Une musique cadencée et pénétrante nous fait entrer dans une marche pour progressivement nous projeter dans une dernière énergique et puissante vague de danse.
Au fil de la nuit c’est le principe des vases communicant qui s’opère en nous : danser nous vide d’une certaine énergie, et en même temps, ce vide nous permet d’accueillir une force de vitalité qui nous dépasse.
Les propositions de mise en mouvement invitant à écouter de plus en plus finement le mouvement interne amène, l’air de rien, dans un état « d’ivresse ». Ivresse de la danse au delà de la fatigue qui donne le sentiment de faire partie d’un autre monde. Un monde bien plus vaste que soi-même. Un monde où des frontières construites par nos esprits rationnels fondent. Un monde où le vivant est totalement là dans les millions de cellules de chaque corps, palpable à 360 degré. La danse, d’une heure à une autre, en collaboration avec la pleine conscience réveille et révèle par réaction en chaîne l’Esprit, le rêve, l’espoir, la Grâce. Nous pourrions presque croire, pour quelques instants, pouvoir dépasser la lourdeur du mortel pour toucher la légèreté de l’immortel et de l’intemporel…
Dans cette expérience insolite, qui est un espace de danse contenant, à la fois libre, guidé et ouvert (qui n’est ni une jam, une rave party, ni espace d’extatique dance) il s’agit de danser et d’être dansé vers une destination intérieure mystérieuse, comme une tentative de voir le et son monde autrement.
La force irradiante de la danse transmet son rayonnement aux autres danseurs et réciproquement. Avec la fatigue du petit matin et les danses continues depuis des heures l’espace-temps est distendu, l’énergie des corps semble inépuisable. Emportés dans la spirale nous aurions pu danser encore des heures et des heures.
Voyager est souvent un sentiment plus qu’un réel déplacement dans l’espace. Dans la salle de St Laurent du Pont de 100m2 j’ai l’impression d’avoir voyagé bien au delà de la croûte terrestre!
L’Ouventure : une posture intérieure bénéfique pour notre cerveau, notre corps et notre âme
Au cercle de clôture j’entend plusieurs personnes énoncés leur fierté. Fierté et satisfaction d’avoir osé. Osé tenter cette expérience, osé sortir du confort, osé prendre l e risque de « ne pas tenir », de « ne pas y arriver », osé faire une nuit blanche entre deux semaines de boulot, osé s’engager, comme le dit une participante, dans « ces rencontres qui interpellent et questionnent par leur originalité et qui, lorsque l’on s’y engage s’avèrent d’une très grande richesse ».
En les entendant je me suis dis que finalement traverser une nuit en dansant, dormir 48h seul-e en nature (comme au stage « Débranche Tout »), faire un autoportrait sur un papier de 2 mètres de haut ou faire un tour du monde à vélo ça convoque un peu les mêmes phénomènes et appelle les mêmes postures internes.
La posture intérieure de l’aventure ou plutôt celle de l’ouventure (une joyeuse composition de » ouverture + aventure » empruntée à Chantal, une de ses trouvailles du dernier stage life art et neurosciences) est particulière fructueuse pour notre système corps-esprit.
Pour avoir un cerveau, un corps et un esprit en bonne santé il nous faut, paraît-il, prendre un « petit risque par jour » et garder un esprit d’explorateur. C’est à dire un esprit qui saisi des occasions pour bousculer ses habitudes, qui se met dans des situations qui viennent le challenger -suffisamment pour que cela soit excitant mais pas trop afin ne pas générer d’angoisses ou de stress malsain-.
L’aventurier ou « l’ouventurier » c’est celui qui va finalement faire le pas pour vivre une nouvelle expérience tout en regardant ses peurs et toutes les bonnes raisons auxquelles il aurait pu céder. Vous savez ces petites pensées comme « c’est pas sage cette nuit dansée pour mon boulot le lundi matin- J’ai besoin de prendre soin de moi – Je suis une grosse dormeuse – En ce moment je suis fatiguée je ne vais jamais arriver à récupérer si je saute une nuit – J’ai 53, 56, 60 ans à mon âge c’est pas raisonnable, ect … »
« L’ouventurier », ouvert à l’aventure, c’est celui qui malgré ses projections le fait quand même le truc en se disant « dans le fond du fond je ne risque rien après tout, si je n’y arrive pas rien de grave, je peux faire une petite sieste pendant la nuit ».
80% des peurs que notre mental fabrique sont hors réalité
80% des peurs que notre mental fabrique sont hors réalité, et oui ! Notre esprit patachon extrapole, c’est son activité favorite! Et pourquoi donc cela? Parce que cette partie là de nous a besoin de sécurité, de confort, de chose, situation et contexte qu’elle connait, maîtrise et qui sont sans surprise. Alors comme stratégie d’évitement elle construit de manière très créative des scénarii au mieux pénibles et compromettant au pire catastrophiques (qui n’ont, je le rappelle, que 20% de chance d’arriver).
Je me souviens qu’en voyage à vélo j’avais plutôt une belle propension à élaborer des scénarii tragiques. Le choc des cultures, l’extrême chaleur, la pluie des jours durant, les mauvaises pistes, le vent de face, l’effet coupe faim de la haute montagne, le manque de nourriture ou d’eau, les pays étiquetés dangereux , etc…, me faisait parfois perdre la tête dans un marasme de pensées des plus macabres. Avec trois ans de voyage et des dizaines d’occasions de passer dans la moulinette du chaos du monde, force est de constater que la plus part des mes fables mentales ne se sont jamais manifestées !
Petits et grands miracles de la nuit dansée
Pour revenir à la nuit dansée, il y a des petits et des grands miracles : celui-ci d’arriver à la soirée avec l’envie d’en repartir avant même qu’elle ai commencée et finalement de quitter la salle 14h plus tard, exténué mais alignés. Celui d’être témoin d’un gisement de ressources insoupçonnées de son propre corps et dans son esprit, et cela malgré les appréhensions, l’âge, des limites physique, une fatigue de fond. Celui de se sentir pleinement vivant et relié aux autres. Celui d’avoir osé sortir de sa zone de confort et de découvrir que finalement la zone « d »inconfort » ne l’est pas tant que cela. Celui de suivre, pas à pas son flow, son rythme, son tonus, ses répétitions de mouvement sans jugement, avec patience et bienveillance.
Après cette nuit, chacun emporta dans sa besace une ou des ressources dont une expérience fructueuse et gratifiante que son Etre, consciemment ou inconsciemment, pourra reconvoquer quand le tourbillon de la vie quotidienne le mettra en face d’un obstacle, d’une difficulté, d’un grain de sable qui viendra enrayer son train-train. Nous le savons, le corps et le cerveau garde en mémoire toutes les expériences. Ce genre de pratique particulièrement engageante et mouvante -dans tous les sens du terme- est un formidable terreau pour nourrir et faire jaillir le meilleur potentiel de soi-même. Par ailleurs, le mouvement est un antidote naturel contre la peur et l’immobilité mentale. Et le mouvement en conscience nous permet d’observer que tout se transforme toujours et tout le temps.
Quelques heures après la fin de la nuit, le corps baratté par la danse, l’esprit soûle des énergies lumineuses des danses et l’âme apaisée, je partageais à des amis présents toute la nuit que si ça n’était pas moi qui organisais un événement pareil je ne suis pas sûre que j’irai ! Peut être bien que je resterai empêtrée dans les 80% de projections négatives crées par mon mental, quel dommage si tel était le cas!. Mais comme c’est moi qui mène la danse, et bien j’y suis conviée et quelle chance ! Quelle chance de pouvoir guider, vivre et partager de tels espaces d’ouvertures, de joie, de transformation, de rencontre, d’intensité, d’authenticité, d’amour….
Alors vivement la prochaine nuit dansée à Liège le 20-21 mai pour emprunter une fois encore, un autre chemin sans empreinte…