Béatrice Maine

Le vertige de l’Arabie Saoudite

Quand la flemme ou la démotivation s'invite subitement, alors qu'on attendait cela depuis longtemps, est ce vraiment de la fatigue ou de la démobilisation ? Pour tous projets engageants, ça n'est pas 1 fois le grand saut, c'est 1000 fois un saut dans le vide ...

Au bord d’une falaise … saut dans le vide

Après 6 semaines au Koweït, dans une routine tranquillou-mémère dans un pays simple, facile, sécure, stable, pas confrontant donc reposant.
Stimulant mais pas trop et suffisamment enchantant pour voir cette ville-pays avec un regard d’enfant ébloui, ébahi, enchanté.

Reprendre la route est un brin … soucieux
Moi qui suis toujours pleine d’enthousiasme et d’entrain … ça m’étonne….

Je ferme les yeux pour sentir ce qui est là …

De suite une image me vient :
Je me vois au bord d’une falaise
Prête à sauter dans le vide
Sans élastique, sans filet, sans personne à qui tenir la main.
Vertige …

 

Arabie Saoudite
Arabie Saoudite, février 2024, arrêt dans un village au hazar; Me voilà prise dans une fête, seule étrangère parmi les saoudiennes et saoudiens. Je n’ai reçu que des bienvenus heureux, de la curiosité chaleureuse et de la bienveillance sincère. Ce qui restaient de craintes, d’a priori, de jugements à l’emporte pièce étaient littéralement démontés !

 

Reprendre la route est donc vertigineux
Évidemment que c’est vertigineux….
Car il s’agit de passer en Arabie Saoudite …

 

Vertigineux aussi parce qu’une part de moi n’en revient toujours pas que ce voyage, cette concrétisation travail-voyage est belle et bien réelle.

Vertigineux parce que ma vie a fait plusieurs méga bascules coup sur coup en quelques mois … et que je suis encore en digestion-intégration-réhabilitation….

Vertigineux parce que tout se passe tellement bien ce voyage préparé à la va-vite (4 mois).

Vertigineux parce que c’est l’Arabie Saoudite qui m’attend désormais.
Oui l’ARABIE. Ce seul nom me fait tourner la tête.

Vertigineux parce que je me revois dans mon appartement il y a 6 mois, avec toutes les cartes accrochées au mur et me dire “quand je serai en Arabie Saoudite ce sera …. pffff … youuuuu….. whouaaaaa ….. hoohooo …. mhouai si j’y arrive…”

Médine, territoire saint, 2ème ville sacrée d’Arabie Saoudite. Ville où le Prophète Mahomet a été enterré. Encore interdite aux non musulmans il n’y a pas si longtemps. Qui transgressait l’interdit risquait l’emprisonnement ou la peine de mort.

 

J’y croyais mais … c’était tellement loin de ma réalité, ca semblait irréaliste, plein de mystères, d’inconnus, de traversées à faire, à vivre, en incarner.
Tellement à organiser, imaginer, mettre en place, inventer, tester, éprouver… en particulier l’articulation formation en direct et en itinérance.

Alors j’écoute, j’entends, j’accueille ce qui me traverse.
Et finalement je me dis que je vais prendre le temps de ne plus avoir le vertige.
De sentir quelque appuis internes suffisamment solides pour aller en direction de la frontière.

J’avais imaginé être impatiente de tracer la route aussitôt mon camion réparé.
Je m’endors en me disant que je vais peut-être prendre (encore) 1 ou 2 journées supplémentaires au Koweït !

 

Alu Ula, Elephant Rock. Toutes cette partie de l’Arabie est grandiose et c’est bien peu dire !

 

Faire un grand saut. C’est le faire 1000 fois

 

Finalement quand on fait un grand saut
C’est le faire tous les jours.
Ça n’est pas un grand saut que l’on fait mais c’est 1000 grands petits sauts dans le vide que l’on fait.

1000 fois il faut faire acte de foi, de courage, de persévérance, de la lâcher prise, d’endurance,
1000 fois cela demande de faire preuve de souplesse, d’adaptabilité, d’ouverture
1000 fois ça implique de sortir de sa zone de confort, de connu

1000 fois ça suppose de se répéter “je sais que je ne sais pas, mais je sais aussi que je sais, et que je vais savoir en temps voulu ….”
1000 fois ça exige de déconstruire des résistances intérieures, des similis de sécurité
1000 fois c’est une invitation à dépasser une forme de fainéantise, de ronronnement qui engourdi, endort, dévitalise, …

1000 fois il faut traverser le vide, sauter à pieds joints dans l’inconnu
1000 fois ça demande d’y aller les yeux grands ouverts, en n’y voyant pourtant rien du tout !
1000 fois il faut se rappeler qu’on a fait le bon choix
Et que si ça n’est pas le cas, tout ira bien quand même

 

1000 fois il faut se souvenir de se souvenir qu’on a toutes les ressources pour faire face avec sérénité, créativité et ancrage à l’inédit, l’étranger, le déstabilisant, le perturbateur-éveilleur,… la V.I.E quoi !!

 

Région d’Al Ula. Des bivouacs canons tous les soirs !

 

Des imperceptibles pas de mouche au un-perceptible qui change tout

 

Faire un grand saut. C’est le faire 1000 fois
Au même titre que n’importe quel événement/virage significatif dans son existence.
Construire sa maison, monter son entreprise, s’engager dans un couple, déménager, réaliser un nouveau projet…

Au même titre qu’une séparation. On se sépare une fois mais c’est à 1000 autres prétextes au fil des semaines et des mois que la séparation se rappelle à nous.

Comme vivre un deuil, de n’importe quel ordre soit-il. C’est 1000 fois que le cœur se sentira explosé en 1000 morceaux. C’est 1000 fois que des vagues de larmes viendront déferler sans prévenir. Qu’on se sentira perdu-e, démuni-e, abattu-e. C’est 1000 fois que le manque abyssal se fera sentir.
C’est autant de fois qu’il faudra l’accueillir. Le vivre. Le traverser. S’y ouvrir plutôt que s’y fermer.

Et entre chacune de ces 1000 fois la douleur et une foule d’autres sentiments plus ou moins honteux et indicibles seront imperceptiblement moins prégnants, moins insupportables, moins insurmontables.
Mais c’est imperceptible
C’est un-perceptible

 

A la fête du village. En Arabie Saoudite, (hormis dans les grandes villes plus progressistes ou certaines prennent que liberté), toutes les femmes portent l’abaya (grande et ample robe noir), le hidjab (voile couvrant le front, les cheveux et le cou) et la burqa ( voile juste sous les yeux et descendant sur la poitrine). On ne peut voir que leurs yeux. Et encore quand on les voit. Si dans les campagnes et les régions loin des coeurs névralgiques de l’Arabie il n’est pas question de les prendre en photo, en ville ça ne pose aucun problème.

Et puis un jour …

Et puis un jour on verra, on sentira, on vivra, que tous ces imperceptibles sont perceptibles.
Que le Vertige du haut de la falaise, reste impressionnant, mais ne dure pas très longtemps.
Que l’état de sidération, le chaos, l’effondrement sont moindre
Que la peine est moins lourde, moins fréquente.

Alors on saura que le chemin n’est pas vain.
Que le temps est un allié.
Incompressible partenaire du chemin.
Et que les imperceptibles finissent toujours par être « un » puis « des » perceptibles.

“Remettre chaque jour son ouvrage sur le métier”
Ainsi va la vie

Finalement j’ai passé la frontière le demain … avec joie, curiosité et confiance. Et sans vertige !
Parfois les processus, ça va vite aussi. Faut juste dormir dessus !!!

 

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Une réponse

  1. Je me régale à te lire Béatrice.
    Merci Merci Merci pour ces sauts dans le vide, ces plongées dans la VIE, cette foi qui t’anime et te (re)construit aussi pas à pas. Merci pour ces témoignages de comment c’est quand on se laisse malaxer par la Vie. Merci d’être te te laisser Être
    je t’embrasse
    nathalie

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