Béatrice Maine

Du (trop) plein au vide fécond

Quel est le point commun entre une scie à bois, une lampe de vélo ou nous-mêmes ? Notre efficacité dans l’alternance plein/vide ! Quand nous ne pouvons pas ou ne savons pas nous arrêter, alors, dans un ultime mouvement salvateur le corps lâche (burn out). S’en suit la traversée d’un vide…fertile. Ce vide peut devenir fécond à une condition : celle de s’y abandonner pleinement. De lâcher prise vraiment. De remplir le vide de « oui » sincères.
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Quel est le point commun entre une scie à bois, une lampe de vélo ou nous-mêmes ?
Notre efficacité dans l’alternance plein/vide !
Quand nous ne pouvons pas ou ne savons pas nous arrêter, alors, dans un ultime mouvement salvateur le corps lâche. S’en suit la traversée d’un vide…fertile. Ce vide peut devenir fécond à une condition : celle de s’y abandonner pleinement. De lâcher prise vraiment. De remplir le vide de « oui »

 

Observer attentivement la lame d’une scie à bois. Elle est faite d’une succession de pointes tranchantes et de vide entre chacune. C’est l’alternance des deux, pointe et vide, qui la rend redoutablement efficace pour découper du bois.
Essayez-donc de couper une bûche de bois avec votre meilleur couteau de cuisine, à la lame parfaitement affûtée mais régulière : vous n’y arriverez pas.

Alors : le vide contribuerait-il autant que le plein à rendre tranchante la lame de la scie ?

 

La performance dans la succession “Plein/vide”

 

Le même phénomène s’observe d’ailleurs dans les lumières dont sont équipés les vélos modernes : la lampe qui clignote éclaire beaucoup mieux que la lumière à éclairage constant d’antan.
Le vide (la phase éteinte), contribue autant que le plein (phase allumée) à conférer le maximum de visibilité.
C’est la pulsation « plein/vide » qui s’avère performante.

 

De manière analogue, notre efficacité dans la vie dépend de notre capacité à savoir alterner intelligemment des phases d’activité et de repos, de sommeil et de veille, de travail et de vacances, de production et de jachère.

 

Ne pas savoir s’arrêter, se détendre et se régénérer ne nous rend pas plus efficace, bien au contraire : on se fatigue, on s’épuise, et cela finit un jour ou l’autre en burn out…

 

La chute ou la traversée du vide fertile

 

Décembre 2015. Cela fait plusieurs semaines que je me sens très fatiguée. J’ai des engagements jusqu’au 13 décembre, je dois tenir jusque là et après je vais pouvoir me reposer. Mais deux semaines avant l’échéance mon corps lâche. Je ne tiens littéralement plus debout. Comme quoi faire trop ce que l’on aime peut conduire à la saturation totale
La collègue et médecin que je consulte me fait un arrêt de travail indiquant dans l’encart “raison de l’arrêt” : ” burn out”. Elle enfonce le clou et met un dernier coup de massue aux ultimes résistances et partie de moi dans le déni.

Cet état d’épuisement me plonge dans la honte. Il y a des gamelles qui sont plus acceptables que d’autres, moins honteuses. D’autant plus quand on travaille dans le développement personnel !

J’ai pu parfois ressentir du jugement, de l’incompréhension et un manque de bienveillance des rares témoins de ma traversée. J’imagine qu’ils se disaient des choses comme “mais comment elle a pu ne pas se rendre compte, elle, avec le boulot qu’elle fait, même pas capable de voir ça venir ! “. Je comprends vite que la discrétion sera ma meilleure partenaire pour me rétablir. Il me faudra d’ailleurs 3 ans pour écrire et partager cette expérience…

En effet, comme toutes et tous, je passe à côté de choses “évidentes”, qui crèvent les yeux. J’ai mes angles morts, une capacité à ignorer parfois les messages que mon corps m’envoie. Je m’aveugle moi-même par prétention, ambition, exigence à l’égard de moi-même, habitudes de fonctionnement, excès de confiance en mes ressources. Comme tout le monde.

 

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Une longue période de recouvrement qui passe par du vrai Rien

 

Contrariée, consternée, embarrassée mais soulagée, je mets genoux à terre. S’en suit une longue période d’acceptation et de recouvrement.

Exténuée physiquement et mentalement je passe des heures et des journées entières allongée sur mon tapis à ne strictement rien pouvoir faire.

Faire un processus Life/Art : impossible
Une médiation : incapable
Une auto hypnose : pas la force
Mettre en mouvement ou rendre visible par un dessin mon état sur les trois niveaux : inaccessible
Rien.
Je ne peux rien faire.
Pendant des heures et des journées entières.

Pour la première fois de ma vie je me fais réellement peur. Même en voyage à vélo seule autour du monde cela ne m’est jamais arrivé. Je doute de pouvoir revenir de cet état d’affaiblissement physique et psychique et pourtant j’en ai traversée de bonne pendant les 3 années à bicyclette !

 

Pour lâcher prise il faut pouvoir s’accrocher…

 

Je sais que la seule, unique, salvatrice chose à faire est de lâcher.
Mais pour lâcher prise il faut pouvoir s accrocher à quelque chose ….
Ce quelque chose est un “OUI”.

 

Oui au degré d’abattement à tous les niveaux.
Oui à ce qui est là : la diminution, la peur, la honte, le vide, les larmes, la solitude…
Plusieurs fois par heures, par jour je murmure ces “oui” et des “d’accord”.
J’accepte l’état dans lequel je me suis mise.
J’accepte de ne pas avoir vu que je fonçais dans le mur, ou plutôt d’avoir vu mais de ne pas avoir su ralentir et m’arrêter avant de m’y fracasser.
J’accepte d’accepter tout ceci pleinement et totalement, entièrement, sans retenue ni résistance. Avec humilité et respect pour la Vie.

Lire un livre qui d’habitude m’aurait passionné me donne la nausée. Bouquiner des BD me fatigue au bout de quelques pages. Mon cerveau est confus : je mélange les mots dans une phrase, j’inverse les syllabes dans les mots, je pense quelque chose mais dis autre chose. Les idées, les cheminements de pensées m’échappent comme du sable glisse entre les doigts.

 

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L’homme/la femme “médecine” en nous

 

Les semaines défilent et je continue de passer la plupart de mes journées allongée. J’ai l’impression qu’une partie de moi est assise à côté de ce corps-esprit qui se laisse tomber dans le fond du fond du trou. Cette partie de moi est la gardienne de cet espace de mutation.

Souvent dans les stages que je guide, je suggère qu’il y a en nous un “homme/une femme médecine”. Il/elle possède la médecine pour nous permettre de guérir, de panser, de transformer, de trouver le chemin de la résilience.

 

L’impression que ça va durer toute la vie…

 

Je n’ai aucune idée du temps que cela prendra pour me rétablir.
Ni même si cela sera vraiment possible. J’ai l’impression que cet état ne va jamais passer.
J’accueille l’idée que je ne vais peut-être jamais retrouver mes capacités intellectuelles et/ou mes ressources physiques.
Je digère le fait que je me suis grillée les ailes et le cerveau. Et que peut être je vais devoir faire tout autre chose professionnellement. Quoi, comment, quand, où ? Les questions ne sont pas là.
La seule question ou plutôt injonction qui est là c’est : “Sois ici, là, maintenant, avec ce qui est. Point !”

 

Remplir le vide par des “Oui” habités et incarnés

 

Je rempli le grand vide, le grand chaos dans lequel je suis pendant des semaines par des “Oui, d’accord…”
Pas des “oui” de convenances ou superficiels.
Pas des “oui” pendant qu’au fond de moi, ça dit en douce “non”.
Des vrais “oui”. Et bon sang que c’est dur de le faire corps, cœur et âme.
Dire “oui” à cette expérience inconnue.
Ces “oui” supposent que potentiellement tout, absolument tout, demain peut changer radicalement : repartir à zéro dans un nouveau job malgré l’énergie, le temps, l’argent investi pour que ma petite entreprise vive ; reconstruire quelque chose de nouveau, encore une fois.

 

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Trust the process

 

Je sais que ces “oui” sont comme des failles que j’ouvre et dans lesquelles je me faufile me menant vers un nouveau paradigme. Un nouveau territoire qui possède des ressources, des possibles et des opportunités tout à fait inédites. Mais tant que chaque partie de mon être n’acquiesce pas dans ce sens, je n’ai pas accès à ce nouveau champ des possibles….

Pourtant, parfois j’hurle des “dégages, tais-toi” à ma femme médecine intérieure qui me murmure des “trust the process, trust the process”.

Après cette épopée, au fil des mois je reconstruis, autrement. Tout un apprentissage…

Il parait qu’il faut bien se planter pour bien pousser… et bien depuis cet épisode je dois dire que je pousse plutôt bien. A croire que le plantage était bon !!!

Dire sciemment, consciemment oui au grand vide, au grand rien, aux grands points d’interrogations pour permettre à la puissance et à la magie de la vie de s’exprimer dans toute sa splendeur et déchirer la chrysalide dans laquelle parfois nous sommes coincés.

Comme la scie à bois : les points et les creux pour être performant autrement.

Et vous ça vous parle cette histoire de scie ??

 

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Une réponse

  1. Merci merci merci
    Comme j’aurais aimé lire ton témoignage début 2016 .

    Moi qui me débat pour remonter depuis .. maintenant .. plusieurs années.
    Je vais pouvoir modifier
    – le regard que je porte sur moi
    – m’accorder plus de bienveillance
    J’avais bien conscience que pour “lâcher” ( sans sombrer) il aurait fallu pouvoir s’accrocher ,
    Tu viens de me donner une clé
    Merci
    Sylvie

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