Béatrice Maine

La Pakistan autrement : la communauté des transgenres et les danses extatiques

un film entre fiction et réalité, au sujet d’un personnage hors du temps qui nous dévoile un Pakistan inédit. On y découvre des destins extraordinaires, des vies écrasées sous le poids des normes, l'existence des Khusra, (une communauté d'hommes en marges autant craints que respectés) et des danses associées à de la musique envoûtante et hautement spirituelle.
Pakistan, film Noor

Noor, est un film entre fiction et réalité, au sujet d’un personnage hors du temps qui nous dévoile un Pakistan inédit. On y découvre des destins extraordinaires, des vies écrasées sous le poids des normes, l’existence des Khusra, (une communauté d’hommes en marges autant craints que respectés) et des danses associées à de la musique envoûtante et hautement spirituelle.

 

Encore un film qui me touche tant pour ce qu’il dévoile d’un pays mal connu et mal perçu que pour le jaillissement de bons souvenirs de mon passage à vélo dans ce pays en 2007.

 

Atelier de fabrication de décoration de camion, Islamabad, Pakistan.

Entre documentaire et fiction

 

Le film a une allure de road movie poétique et politique (le personnage principale traverse le pays au volant d’un camion superbement décoré comme le sont tous les camions du Pakistan). De conte : il recherche un lac magique où vivent des fées qui ont le pouvoir d’exhausser des vœux. De chronique sociale : il est confronté aux poids des normes, à la société patriarcale, aux cloisonnements qui encadrent le pays, aux unions arrangées ou encore aux fugues d’amoureux à l’autre bout du pays pour pouvoir se marier, …). Les visages, les intérieurs, les gestes des personnages, les lumières et les couleurs sont magnifiques. Une partie du film se déroule dans de splendides paysages aux contreforts de l’Himalaya.

Noor est un de ces films (comme les derniers de Jafar Panahi sur l’Iran) dans lequel on a du mal à savoir ce qui est de la fiction et du scénario écrit et ce qui est du dialogue spontané entre deux comédiens amateurs qui oublient la présence des caméras et livrent sincèrement et authentiquement des bouts de leur histoires personnelles. En effet les réalisateurs, qui n’ont fait appellent qu’à des comédiens non professionnels, n’ont pas de scénario, ils font en sorte que l’inattendu arrivent pendant les prises et ils se nourrissent de ce que les gens leur donnent. Ça donne un récit entre fiction et documentaire qui donne à voir une réalité du Pakistan inédite.

 

Pakistan, film Noor
Pakistan, rue d’Islamabad la capital, photo de mon tour du monde à vélo 2005-2008

Dans ce film on découvre entre autre l’existence des Khusra, la communauté des transgenres du Pakistan

 

Noor, le personnage éponyme, interprète son propre rôle. Issue d’une famille très pauvre son père meurt d’une overdose quand il était enfant. A l’âge de douze ans il s’enfuit et trouve refuge chez des Khusras, dans le Penjab.

Les khusra regroupent des gens qui ont changé de sexe, des travestis, des eunuques ou encore des personnes nées avec un sexe indéterminé à la naissance. A la fois craints et respectés ils vivent de spectacles de danses (souvent aguicheuses) remplaçant les femmes qui en sont exclues pour raison religieuse.

Dans ce cercle fermé aux règles strictes Noor rencontre une autre Khusra. Par amour, il accepte de se faire castrer mais l’histoire d’amour finit mal. Noor veut alors tourner la page. Il quitte la communauté, il veut redevenir un homme, rencontrer une femme qui l’aimera comme il est.
Les réalisateurs le rencontrent dans “sa vraie vie” à Lahore dans ce moment de transition où il cherche à faire réintégrer la société.

 

… et la danse Dhamal, extatique et spirituelle

 

Pendant un court moment le film dévoile cette danse envoûtante, extatique et spirituelle des musulmans soufis du Pakistan à laquelle j’avais eu la chance d’assister à Lahore. Au rythme de percussions entêtantes ils dansent, tournent, secouent leurs têtes jusqu’à la transe pour se relier à Dieu. Assise parmi des hommes et des femmes vêtus principalement de rouge ou de blanc je me souviens de l’énergie puissante et poignante de ce moment. Peut être que l’impulsion de créer des nuits dansées m’est venu de cet instant lové au fond de ma mémoire … !

 

Pour voir une cérémonie de Dhamal :

 

Premier long-métrage des documentaristes et réalisateurs Çağla Zencirci, (Turque) et Guillaume Giovanetti (France) le film Noor a été sélectionné à Cannes par l’ACI (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) en 2012 et primé dans plusieurs festivals en Europe.
Diffusé dans les salles françaises en 2014, il a été projeté au Pakistan en 2015 où il a été très bien accueilli pas des spectateurs le plus souvent érudits et amateur de culture en général et de films d’auteurs en particulier.

 

Louable à la médiathèque de Romans sur Isère et sûrement dans d’autres bonnes médiathèques près de chez vous ou sinon à acheter.

Le + du DVD : les bonus dévoilent un peu ce qui est inventé pour nourrir le road movie (mais quand même souvent inspiré de fait réels) et ce qui est du partage intime, sincère et véridique d’événement de vie des personnages que Noor rencontre. Cet éclairage ne fait que donner un peu plus de beauté, de densité, de fascination et de curiosité pour ce film et ce pays que l’on connait si mal

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